La société en commandite simple immobilière (SCS) a toutes les chances de revenir en 2025 ! Après le coup dur sur le LMNP, alors que la plupart des investisseurs immobiliers s’épuisent à choisir entre SCI à l’IR ou à l’IS, cette solution encore méconnue permet d’obtenir le meilleur des deux mondes.
En effet, cette forme sociale trois fois centenaire offre une alchimie fiscale unique permettant de bénéficier de la dualité fiscale de l’immobilier à l’impôt sur le revenu (IR) et à l’impôt sur les sociétés (IS).
La SCS rend possible la déduction des amortissements pendant la détention (IS) et le bénéfice du régime impôt sur le revenu pour les plus-values (IR). Elle résout ainsi l’équation impossible de la SCI, condamnée soit aux impôts prohibitifs sur les revenus fonciers , soit à une plus-value lourdement taxée à la sortie.
La commandité simple n’est pas non plus sans inconvénient pour l’immobilier et qu’elle doit être maniée avec finesse.
Dans cet article, nous verrons pourquoi cette structure mérite d’être redécouverte, comment en tirer le meilleur parti, et surtout quelles sont les précautions prendre.
Plongeons dans le régime de la SCS immobilière :
- Qu’est-ce qu’une société en commandite simple ?
- Pourquoi choisir la SCS pour l’investissement immobilier ?
- La SCS, une alternative à la SCI ?
- Le régime juridique de la SCS
- Le double régime fiscal de la SCS : un atout majeur
- Les points de vigilance essentiels
Qu’est-ce qu’une société en commandite simple ?
Origine et définition de la SCS
Née au Moyen Âge pour financer le commerce maritime des épices la société en commandite simple permettait de concilier les intérêts de l’armateur (qui risquait son bateau) et ceux du capitaine et de son équipage (qui risquaient leur vie). Cette structure reposait sur un équilibre entre le financeur qui ne souhaitait pas s’impliquer dans la gestion, et le gestionnaire qui n’avait pas les moyens financiers suffisants mais apportait son expertise.
Les deux catégories d’associés de la SCS : commandités et commanditaires
La SCS se caractérise par la coexistence de deux catégories d’associés aux statuts juridiques distincts :
- Les associés commandités : Ils sont responsables indéfiniment et solidairement des dettes sociales, ont la qualité de commerçants et assument généralement la gestion de la société. Comparables aux associés d’une société en nom collectif (SNC), ils représentent l’élément « travail » de la structure.
- Les associés commanditaires : Ils sont de simples bailleurs de fonds dont la responsabilité est limitée au montant de leurs apports. Ils ne participent pas à la gestion externe de la société et leur statut s’apparente à celui des associés d’une SARL. Ils représentent l’élément « capital » de la structure.
Cette dualité d’associés est essentielle pour comprendre le régime juridique et fiscal de la SCS.
Pourquoi choisir la SCS pour l’investissement immobilier ?
L’avantage du dualisme juridique et fiscal de la commandite simple
Un dualisme juridique adapté à la transmission familiale
La SCS offre avant tout une structure juridique remarquablement adaptée aux enjeux de la transmission patrimoniale familiale grâce à la coexistence de deux catégories d’associés aux statuts et pouvoirs distincts :
- Le commandité a un contrôle total sur la gestion et les décisions importantes, ce qui permet à la génération active (parents) de conserver les rênes du patrimoine familial tout en préparant sa transmission.
- Le commanditaire bénéficie d’une sécurité financière (responsabilité limitée) et d’un accès privilégié aux revenus courants, position idéale pour la génération encore passive (enfants) qui peut ainsi recevoir progressivement le patrimoine sans porter immédiatement la responsabilité de sa gestion.
Cette répartition des rôles permet d’organiser une transition patrimoniale progressive et sécurisée :
- Les parents peuvent transmettre la substance économique du patrimoine tout en conservant le contrôle sur sa gestion
- Les enfants sont initiés aux affaires familiales sans risque excessif
- La transmission des compétences peut s’effectuer parallèlement à la transmission des actifs
- Les mésententes familiales sont limitées par une gouvernance claire et statutairement définie
Notons par ailleurs que suivant l’âge et les objectifs poursuivis par la famille, la répartition des rôles peut être inversée.
Un dualisme fiscal optimisant
Au-delà de ses avantages juridiques, la SCS dispose d’un régime fiscal hybride. Contrairement à la SCI classique où tous les associés sont tous soumis au même régime fiscal (IR ou IS selon l’option choisie), la SCS combine naturellement deux régimes fiscaux distincts :
- La quote-part du résultat correspondant aux droits des associés commanditaires est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) au nom de la SCS.
- La quote-part du résultat correspondant aux droits des associés commandités est soumise à l’impôt sur le revenu (IR) entre les mains des commandités selon les règles propres aux sociétés de personnes.
Cette dualité fiscale a certainement inspiré les premiers praticiens qui ont pratiqué la SCS immobilière. On connait en effet la divergence entre les régime de taxation IR et IS pour l’immobilier.
Fiscalité immobilière à l’IR :
- Pendant la détention : fiscalité lourde (barème progressif, pas d’amortissement)
- À la cession : fiscalité avantageuse (abattements pour durée de détention, exonération possible)
- En résumé : « Payez beaucoup maintenant, peu à la sortie »
Fiscalité immobilière à l’IS :
- Pendant la détention : fiscalité allégée (amortissements, taux fixe de 25%)
- À la cession : double imposition (IS sur plus-value + flat tax sur distribution)
- En résumé : « Payez peu maintenant, beaucoup à la sortie »
La SCS permet sous certaines conditions de combiner :
- Fiscalité IS pour les revenus courants (commanditaires)
- Fiscalité IR pour les plus-values (commandités)
- Résultat : optimisation sur toute la durée de vie de l’investissement
La SCS s’adapte à tout type d’actif immobilier
La SCS est adaptée à différents types de biens immobiliers et peut être utilisée pour l’acquisition de :
- L’immobilier d’habitation (location nue)
- L’immobilier professionnel ou commercial
- L’immobilier meublé (LMNP)
- La parahôtellerie
Le critère principal pour ce schéma demeure la rentabilité, comme le précise Marc Bornhauser pendant notre entretien sur le podcast : « Financer un bien qui n’est pas rentable, c’est une absurdité. »
Adaptation à différents objectifs patrimoniaux
La SCS est particulièrement adaptée pour répondre à divers objectifs patrimoniaux :
- La transmission intergénérationnelle : Elle facilite la transmission progressive du patrimoine immobilier aux enfants, tout en permettant aux parents de conserver le contrôle et de bénéficier des plus-values.
- La gestion du patrimoine des dirigeants d’entreprise : Elle permet l’utilisation de la trésorerie d’entreprise ou de holding pour faire fructifier un patrimoine immobilier (la SCS est compatible avec le régime mère-fille).
- L’optimisation fiscale globale : En combinant les avantages de l’IR et de l’IS, elle permet une optimisation fiscale sur le long terme.
La SCS, une alternative à la SCI
Comparaison des avantages fiscaux (SCS vs SCI)
La SCS présente des avantages fiscaux significatifs par rapport à la SCI, qu’elle soit à l’IR ou à l’IS :
Par rapport à la SCI à l’IR :
- En cours de vie : avantage à la SCS : possibilité d’amortir le bien immobilier pour la part des commanditaires, réduisant ainsi la pression fiscale sur les revenus locatifs
- Au moment de la cession : conservation du régime favorable des plus-values immobilières des particuliers pour la part des commandités
Par rapport à la SCI à l’IS :
- En cours de vie : fiscalité IS des loyers.
- Au moment de la cession : évitement de la double imposition à la sortie (IS sur la plus-value + flat tax sur les dividendes) et bénéfice des abattements pour durée de détention sur les plus-values pour la part des commandités
Une étude chiffrée comparant les trois structures (SCI-IR, SCI-IS et SCS) sur une période de 30 ans permet de montrer le net avantage de la SCS.
Différences en termes de gestion et de responsabilité
Au-delà des aspects fiscaux, la SCS et la SCI diffèrent fondamentalement en termes de gestion et de responsabilité :
- Responsabilité des associés : Dans une SCI, tous les associés sont tenus indéfiniment des dettes sociales, mais seulement à proportion de leurs parts. Dans une SCS, les commandités sont tenus indéfiniment et solidairement des dettes, tandis que les commanditaires ne sont responsables qu’à hauteur de leurs apports.
- Gouvernance : La SCS offre une gouvernance plus stricte, avec une séparation claire entre les pouvoirs des commandités (gestion) et le rôle passif des commanditaires. Cette structure peut être avantageuse dans les contextes familiaux où l’on souhaite confier la gestion à certains membres tout en faisant bénéficier d’autres membres des avantages économiques.
- Flexibilité statutaire : Les deux structures permettent une grande liberté statutaire.
Le régime juridique de la société en commandite simple
Statut et responsabilité des commandités
Les commandités constituent la clé de voûte de la SCS. Leur statut juridique est caractérisé par :
- La qualité de commerçant : Les commandités sont commerçants (attention à l’affiliation obligatoire au régime des travailleurs non-salariés (TNS)).
- Une responsabilité illimitée et solidaire : Ils répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales sur leur patrimoine personnel.
- Le pouvoir de gestion : Les commandités sont, par défaut, les gérants de la société et disposent des pouvoirs les plus étendus pour la diriger.
- Un droit préférentiel aux résultats exceptionnels : Dans la pratique, les statuts leur attribuent généralement les résultats exceptionnels, notamment les plus-values immobilières.
Droits et protection des commanditaires
Les commanditaires, en tant qu’investisseurs passifs, bénéficient d’un régime protecteur :
- Responsabilité limitée aux apports : Leur risque financier est strictement limité au montant de leur investissement initial.
- Interdiction d’immixtion dans la gestion : Ils ne peuvent réaliser aucun acte de gestion externe sous peine de voir leur responsabilité étendue.
- Attribution préférentielle des résultats courants : Dans la pratique, les statuts leur attribuent généralement les résultats ordinaires, notamment les revenus locatifs.
Répartition statutaire des pouvoirs et des bénéfices
La rédaction des statuts d’une SCS revêt une importance cruciale, particulièrement concernant :
- La clause de répartition des résultats : Elle peut prévoir une répartition différenciée selon la nature des résultats (courants/exceptionnels) qui fondera l’optimisation fiscale. Cette répartition doit être économiquement justifiée et équilibrée pour éviter le risque d’abus de droit.
- L’encadrement des pouvoirs des commandités : Particulièrement important lorsque les commandités sont jeunes ou inexpérimentés.
- Les règles de majorité pour les décisions : Les conditions de majorité pour les décisions ordinaires peuvent être librement fixées dans les statuts, tandis que les modifications statutaires requièrent généralement l’unanimité des commandités.
En fonction des situations, il peut être recommandé de compléter les statuts par des pactes extrastatutaires (pacte d’associés, pacte de famille) pour anticiper les conflits familiaux et organiser la transmission après les générations actuelles d’associés. En complément, un mandat de protection future peut également être prévu en cas d’incapacité d’un associé.
Le double régime fiscal de la SCS : un atout majeur
Optimisation des revenus locatifs via les commanditaires
On prévoit statutairement que les revenus locatifs soient attribués aux commanditaires et donc soumis à l’IS.
Ce régime présente les avantages que l’on connait concernant les loyers :
- Amortissement comptable du bien immobilier : Contrairement au régime des revenus fonciers (IR), l’IS permet d’amortir le bien immobilier (hors terrain), ce qui réduit considérablement le résultat imposable sans impacter la trésorerie.
- Déductibilité des frais d’acquisition : Les frais d’acquisition peuvent être amortis ou déduits immédiatement du résultat.
- Taux d’imposition fixe à 25% : L’IS applique un taux fixe de 25%, plus avantageux que le barème progressif de l’IR pour les contribuables fortement imposés.
- Report illimité des déficits : Les déficits peuvent être reportés indéfiniment, contrairement au régime des revenus fonciers qui limite ce report à 10 ans.
Stratégie d’optimisation des plus-values immobilières
On prévoit statutairement que les plus-values (résultats exceptionnels) soient attribués aux commandités et donc soumis à l’IR.
Ce régime présente les avantages que l’on connait concernant les plus-values immobilières :
- Calcul avantageux de la plus-value : La plus-value est calculée entre le prix d’acquisition majoré et le prix de cession, sans impact des amortissements pratiqués comptablement.
- Abattements pour durée de détention : Ces abattements permettent une exonération totale d’impôt sur le revenu après 22 ans de détention et de prélèvements sociaux après 30 ans.
Cette attribution différenciée des résultats permet de bénéficier du « meilleur des deux mondes » : l’IS pour les revenus courants et l’IR pour les plus-values.
Les points de vigilance essentiels
Cohérence économique de l’opération
On ne le rappellera jamais assez, la viabilité économique du projet immobilier est essentielle :
- Rentabilité suffisante : Le bien doit générer une rentabilité locative compatible avec le financement bancaire.
- Équilibre entre capital et dette : Le ratio d’endettement doit être raisonnable pour garantir la viabilité du projet.
- Adéquation de la structure aux objectifs patrimoniaux : La SCS doit répondre à un besoin patrimonial réel (transmission, diversification, etc.).
SCS et abus de droit fiscal
La SCS a réémergé dans l’esprit de nombreux patrimonialistes à la suite d’une polémique de doctrine entre le professeur Jean-François Hamelin et Marc Bornhauser. Le premier voyait dans le schéma SCS un abus facile à caractériser alors que le second défendait son usage à condition de respecter la logique économique du schéma.
Me Bornhauser insiste sur ce point dans notre entretien : « Le schéma est abusif quand le commandité ne prend pas de risque parce que le commanditaire a apporté tout le capital. » En l’absence de dette, le commandité ne prend pas de risque et en l’absence de risque aucune rémunération ne se justifie.
Conclusion
La société en commandite simple, connaît aujourd’hui un regain d’intérêt mérité dans le domaine de l’investissement immobilier. Par son régime fiscal hybride unique, elle permet d’optimiser à la fois la fiscalité des revenus locatifs et celle des plus-values immobilières, offrant ainsi une alternative avantageuse à la SCI.
Toutefois, cette optimisation requiert une structuration rigoureuse. L’intervention de professionnels spécialisés (avocats, notaires, experts-comptables, banquier) est indispensable pour sécuriser le montage et en maximiser les bénéfices.
L’utilisation de la SCS doit s’inscrire dans une démarche patrimoniale globale, cohérente et économiquement justifiée. La voir ou la vendre comme une « niche fiscale », serait une erreur majeure.
Pour les investisseurs immobiliers et les familles cherchant à transmettre un patrimoine dans les meilleures conditions, la SCS mérite d’être considérée dans les simulations.
