Le pacte Dutreil sans préparation – Pascal Julien Saint-Amand, Notaire, Groupe Althémis

Il est devenu presque impensable de parler de transmission d’entreprise en France, sans parler du dispositif Dutreil. Ce mécanisme nécessite des temps de conservation, qui supposent l’anticipation. Dans certaines situations, on voudrait bénéficier du Dutreil sans attendre la fin de l’engagement collectif de conservation de 2 ans. Parfois, le décès est inattendu et aucun engagement n’a été pris. Le législateur permet, sous condition, de bénéficier du Dutreil sans aucune préparation.

Pour nous éclairer sur ce sujet, j’ai le plaisir de recevoir Pascal Julien Saint-Amand sur le podcast. Ancien avocat fiscaliste, il est désormais notaire et fondateur du Groupe Althémis.

Cet article est une libre reformulation de l’interview complète de Pascal Julien Saint-Amand, disponible sur votre plateforme de podcast préférée ou sur Youtube. Il ne retranscrit pas toutes les subtilités étudiées dans l’épisode. Nous invitons les lecteurs à complémenter la lecture par l’écoute et à consulter leurs conseils avant toute décision en lien avec les thèmes de l’épisode.

A quelles conditions peut-on bénéficier du pacte Dutreil sans engagement de conservation initial ?

Deux mécanismes existent :

  • L’engagement réputé acquis,
  • L’engagement posthume.

Rappelons brièvement qu’il faut remplir quatre conditions pour bénéficier de l’exonération Dutreil.

1-      La condition liée à l’activité de la société

Pour que l’activité soit éligible, elle doit être commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Les holdings animatrice sont également éligibles. Précisons que cette condition doit être remplie pendant toute la durée de l’engagement Dutreil.

2-      L’engagement collectif

L’engagement collectif doit être d’une durée d’au moins 2 ans. Il doit être en cours au jour de la donation ou la succession.

Dans les sociétés non cotées, il doit couvrir au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote.

Dans les sociétés cotées, il doit couvrir 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote.

Parmi les signataires de l’engagement, l’un d’eux doit exercer des fonctions de direction.

3-      L’engagement individuel

À compter de la fin de l’engagement collectif, démarre un engagement individuel d’une durée d’au moins 4 ans.

Comme on le voit, la transmission s’inscrit dans la durée avec deux ans d’engagement collectif, puis quatre ans d’engagement individuel. On arrive à un total de six ans.

4-      La fonction de direction

Une fonction de direction doit être exercée par l’un des signataires de l’engagement collectif, pendant celui-ci. Après le début de l’engagement individuel, l’un des signataires de l’engagement collectif ou l’un des bénéficiaires de la libéralité doit exercer la fonction de direction pendant au moins 3 ans.

Conséquence

Une fois les 4 conditions remplies, je bénéficie de la réduction de base imposable de 75 % applicable dans le cadre du régime Dutreil. On constate que tout le processus prend au moins 6 ans.

L’engagement réputé acquis permet d’accélérer le processus. Donne-t-il droit à un régime aussi favorable que si on respecte les 4 conditions ?

Oui au niveau de l’abattement qui sera bien de 75 %.

Les autres conditions sont les mêmes, excepté celle de la fonction de direction.

En cas de réputé acquis, seul le donataire peut exercer la fonction de direction éligible.

Cette condition est défavorable. Quand bien même l’un des donataires serait dans l’entreprise, il n’est pas forcément prêt à en assumer la direction.

Dans le cas d’un engagement classique, le parent donateur peut laisser le temps à son enfant de « faire ses classes ». Et une fois qu’il a appris, il sera promu à une fonction de direction. Dans le cas du réputé acquis, le donateur peut rester à une fonction de direction, mais l’un des donataires devra immédiatement être promu, car il sera seul à pouvoir remplir la condition d’exercice de la fonction de direction au regard du Dutreil.

De plus, le réputé acquis nécessite que le donateur et son conjoint aient détenu 17 % des droits financiers, 34 % des droits de vote au cours des deux dernières années (exactement comme s’il avait rempli la condition et signé l’engagement).

Si cet enfant repreneur décède subitement et que les autres ne sont pas en mesure de reprendre la direction, le bénéfice de l’exonération Dutreil serait complètement perdu ?

Effectivement, il n’y a aucun moyen de rattraper. C’est sévère. C’est la raison pour laquelle, en pratique nous dissuadons nos clients de passer par l’engagement réputé acquis.

A quelles conditions l’engagement réputé acquis pourrait-il avoir un intérêt stratégique ?

L’engagement réputé acquis pourrait avoir un intérêt stratégique dans différents cas de figure. Par exemple, dans le cas où un fonds entre dans une entreprise pour une durée de cinq ans, le dirigeant pourrait envisager une donation en sachant qu’il pourra peut-être tenir les quatre premières années mais pas les six années complètes. Dans un autre scénario, si les bénéficiaires de la donation sont deux enfants repreneurs, la probabilité qu’il arrive quelque chose aux deux est faible, ce qui pourrait rendre l’engagement réputé acquis plus intéressant.

Enfin, si l’enfant repreneur est un vrai repreneur et qu’il est assuré par une assurance décès, le dirigeant peut être rassuré en cas d’incapacité ou de décès, et fixer la couverture en fonction du complément de droit qu’il aura à payer pour ne pas avoir respecté sa fonction de direction.

Dans ces cas, l’engagement réputé acquis permet de gérer les risques indépendants de la volonté des bénéficiaires de la donation.

Peut-on bénéficier de l’engagement réputé acquis en cas de décès d’un entrepreneur qui n’aurait pas préparé sa succession ?

Oui, il est possible de bénéficier de l’engagement réputé acquis en cas de décès d’un entrepreneur qui n’aurait pas préparé sa succession. C’est à condition de remplir les conditions requises au jour du décès et d’invoquer le réputé acquis dans le cadre d’une succession. Dans certains cas, cela peut être la meilleure solution à envisager.

Si on ne remplit pas les conditions du réputé acquis au moment du décès, y a-t-il une solution ?

Si on ne remplit pas les conditions du réputé acquis au moment du décès, il est possible de mettre en place un engagement posthume. Cet engagement aura les mêmes caractéristiques que l’engagement Dutreil avant le décès, notamment les mêmes conditions liées à l’activité, à l’engagement collectif de deux ans, à l’engagement individuel de quatre ans et les mêmes contraintes liées à l’exercice d’une fonction de direction par l’un des signataires de l’engagement. Cependant, il y a un inconvénient : le délai de deux ans d’engagement collectif et de quatre ans d’engagement individuel commencera postérieurement au décès, ce qui prendra plus de six ans après le décès.

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