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Puis-je investir en cryptos avec ma société ? Quelle est la fiscalité des investissements cryptos ? Notre invité du jour est Axel Sabban, associé fondateur du cabinet Revo Avocats. Avocat fiscaliste passionné de cryptos, il conseille ses clients en la matière depuis 2018. Dans cet épisode, nous allons explorer l’utilisation des cryptos par les entreprises françaises. Nous allons discuter de l’utilisation de la crypto-monnaie pour placer la trésorerie de l’entreprise. Nous verrons s’il est possible de payer les salaires en crypto-monnaies. Nous allons également examiner la fiscalité des revenus générés par une entreprise qui réalise des gains en crypto-monnaie, y compris les plus-values et les revenus.
Cet article est une libre reformulation de l’interview complète d’Axel Sabban, disponible sur votre plateforme de podcast préférée ou sur Youtube. Il ne retranscrit pas toutes les subtilités étudiées dans l’épisode. Nous invitons les lecteurs à complémenter la lecture de l’épisode par l’écoute et à consulter leur avocat avant toute décision en lien avec les sujets de l’épisode.
Comment peut-on définir le terme « crypto » dans cet épisode ?
La crypto ou cryptomonnaie est une notion complexe qu’on peut diviser en deux catégories juridiques : les jetons et les actifs numériques.
Les jetons sont des inscriptions informatiques sur une blockchain. Du point de vue technique, les jetons sont représentatifs d’un droits sur l’émetteur. Mais ils ne sont pas considérés comme des droits réels d’un point de vue réglementaire.
Les crypto monnaies dont on entend souvent parler sont-elles des jetons ? Par exemple, le bitcoin est-il un jeton ?
Non, justement, ce sont des crypto-actifs.
Les « crypto-actifs » ou « crypto-monnaies » sont des représentations numériques d’une valeur, acceptée comme moyen d’échange, mais qui n’est pas une monnaie légale.
Le Bitcoin, par exemple, n’est pas considéré comme un titre de propriété ni comme un droit réel, mais plutôt comme une représentation numérique d’une valeur qui peut être échangée. Il y a encore des débats autour du statut du Bitcoin en tant que monnaie légale, mais pour l’instant, il est considéré comme un « crypto-actif ».
Pour rentrer plus dans le détail, on distingue les crypto-actifs des titres financiers, des valeurs mobilières ou des bons de caisse. Il est possible d’inscrire des actions sur une blockchain depuis quelques années, mais une action reste une action sur le plan juridique. Technologiquement en revanche, on peut parler de crypto-actifs si une action est inscrite sur un dispositif crypté sur une blockchain décentralisée.
En résumé, les cryptos actifs, ou crypto monnaies, sont ce dont en entend parler le plus souvent. Il faut bien les distinguer :
- Des cryptos qui sont des représentations de devises légales, comme un « crypto-euro » émis par une banque centrale.,
- Des titres financiers sont également exclus.
Est-ce qu’une société ordinaire comme celle de mon boulanger peut détenir des crypto-monnaies ? Quelles sont les conditions éventuelles à respecter avant d’aborder les aspects fiscaux des cyptos pour une entreprise ?
Une société ordinaire, comme celle d’un boulanger, peut détenir des crypto-monnaies.
Elle peut les acquérir de plusieurs manières, notamment en les acceptant comme moyen de paiement pour ses biens ou services. Cependant, il est important de bien gérer les finances de l’entreprise et de ne pas prendre de décisions de gestion risquées en utilisant le fonds de roulement de la société par exemple.
C’est vrai qu’on imagine qu’investir dans une crypto-monnaie pourrait être considéré comme une faute de gestion plus facilement que d’investir dans une entreprise « classique ». Du point de vue des juges qui examinent la question, la faute sera plus facilement établie ?
En effet, investir dans une crypto-monnaie peut être considéré comme une faute de gestion plus facilement que d’investir dans une entreprise traditionnelle, car les actifs numériques sont très volatiles et les fluctuations de leurs valeurs peuvent être très importantes. Les juges peuvent donc considérer qu’un investissement dans une crypto-monnaie peut être risqué et peuvent reprocher une mauvaise décision de gestion si cela entraîne des pertes importantes pour l’entreprise. Il est donc important de prendre en compte le risque et de bien gérer sa trésorerie.
En dehors de cela, investir en crypto-monnaies ne nécessite pas de formalités particulières. Il est quand même recommandé d’insérer dans les statuts de son entreprise une clause autorisant le placement en crypto monnaies pour des raisons de responsabilité du dirigeant.
En revanche, pour ajouter une activité de trading en crypto-monnaies, il est nécessaire d’inclure cette activité dans l’objet social.
En somme, il est important de faire preuve de prudence et de bien se renseigner avant de se lancer dans ce type d’investissement.
Il existe différentes utilisations possibles des crypto-monnaies, telles que les moyens d’échange et d’investissement. On peut aussi réaliser des opérations de mining, lending et staking. La société peut-elle réaliser ces activités ? Et comment la fiscalité est-elle liée à ces activités d’investissement dans les crypto-monnaies ?
Oui, en ce qui concerne la fiscalité des activités liées aux crypto-monnaies, cela dépend du statut fiscal de la personne qui les réalise. Pour simplifier, on peut se concentrer sur les sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés ou les entrepreneurs individuels.
Ces sociétés doivent respecter les règles comptables et fiscales qui leur sont applicables.
En ce qui concerne les actifs numériques, il n’y a pas de règles fiscales spécifiques. Ce sont donc les règles comptables s’appliquent.
Par exemple, le minage consiste à faire travailler des machines pour résoudre des algorithmes qui valident des transactions sur le réseau Bitcoin. Les personnes qui effectuent ces calculs reçoivent une récompense en Bitcoin. Cette récompense est fiscalisée.
Si j’ai un ordinateur ou une carte graphique de minage qui appartiennent à ma société, est-ce que les revenus générés seront imposés à l’IS comme si j’avais vendu un produit ou un service quelconque ?
Oui, les revenus générés par un ordinateur ou une carte graphique de minage appartenant à une société seront imposés à l’IS comme pour toute autre activité de l’entreprise.
Si une société reçoit des revenus de mining et décide de les vendre, est-ce qu’elle doit payer des impôts sur la plus-value générée par la vente ?
Il y a une confusion que je souhaite lever dans le domaine crypto. Il ne faut pas confondre l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur les plus-values sur actifs numériques des particuliers.
Pour les particuliers
Il y a un sursis d’imposition lors des échanges entre actifs numériques. Cela ne s’applique pas aux entreprises. Les particuliers ont également la possibilité de faire des dons d’actifs numériques sans être redevable de l’impôt sur la plus-value.
Leur crainte peut être d’être considérés comme des traders professionnels et de perdre le bénéfice du régime de sursis d’imposition généralisé.
Pour les entreprises
Les règles comptables s’appliquent, avec une taxation en fonction de la variation d’actifs lors de la vente. Ce, même lorsque des échanges sont effectués entre cryptomonnaies. Par exemple dans le cas où l’on possède des Bitcoins que l’on souhaite échanger contre une autre crypto, cela entraîne une imposition sur la plus-value, suivant les règles comptables.
En revanche, tant que le Bitcoin n’est pas échangé, sa valeur reste fixée à son coût d’acquisition au bilan. Le jour où il est échangé contre une autre devise, sa valeur au bilan est remplacée par le prix de vente. Cette variation d’actifs est alors soumise à l’impôt sur les sociétés.
Ainsi, tant qu’il n’y a pas de vente de Bitcoin, il n’y a pas de taxation, mais lorsqu’il est échangé contre une autre valeur comme des euros ou des Ethers, il devient imposable.
Il est donc important de bien comprendre les règles fiscales pour éviter les mauvaises surprises.
De nombreuse questions restent en suspens sur la fiscalité des crypto monnaies. Comment sécuriser sa position lorsqu’on déclare des gains cryptos ?
Il est vrai que l’administration fiscale n’a pas toujours une position claire sur la fiscalité des crypto-monnaies. Nous avons déjà posé des questions pour clarifier certains points, mais nous n’avons pas encore reçu de réponse.
Il est recommandé de consulter un expert-comptable spécialisé dans les crypto-monnaies pour obtenir des conseils sur la fiscalité de ces actifs. Ces professionnels spécialisés ne sont pas nombreux, mais leur apport est essentiel pour sécuriser ses déclarations au des règles comptables et fiscales relatives aux crypto-monnaies.
En l’absence de règles claires, comment peut-on prendre une position tranchée sur la question de la taxation des cryptomonnaies ? Et si l’administration fiscale venait à contester cette interprétation à l’avenir, comment pourrait-on la défendre ?
C’est notre rôle d’avocats fiscalistes. Aujourd’hui, il y a peu de contrôles de l’administration fiscale dans ce domaine, qui reste encore un marché de niche malgré son importance croissante.
Les efforts de l’administration fiscale sont plutôt concentrés sur d’autres sujets comme la TVA. Cependant, l’heure viendra ou l’administration fiscale s’intéressera aux crypto monnaies. Les plus-values, importantes pourraient particulièrement attirer l’attention de l’administration fiscale à l’avenir. Il est donc important de se faire accompagner par un avocat fiscaliste qui connaît bien les problématiques liées aux actifs numériques pour prendre les bonnes décisions.
Une fois qu’on a des cryptos dans notre bilan, est-il possible de payer nos fournisseurs en cryptos ?
Il est important de se rappeler qu’en France, l’euro est la seule monnaie légale, ce qui signifie qu’elle a un pouvoir libératoire, c’est-à-dire qu’elle peut être utilisée pour se libérer d’obligations et ne peut pas être refusée par les créanciers.
En revanche, les crypto-monnaies telles que le Bitcoin ou les stablecoins n’ont pas de pouvoir libératoire, ce qui signifie que leur acceptation dépend de la volonté du fournisseur ou du créancier.
Cependant, il est tout à fait possible pour le fournisseur, s’il en est d’accord, d’être payé en actifs numériques. Cela provient de la grande liberté contractuelle dans les relations professionnelles.
Il y a cependant des points de vigilance à garder à l’esprit, nous les détaillons dans l’épisode audio et vidéo.
Est-il possible de payer mes salariés ou des primes en cryptos ? Est-il possible de payer un salaire en cryptomonnaies ?
Envisager de payer ses salariés en crypto est possible, mais cela ne s’applique pas à l’intégralité de leur salaire. En effet, il y a une partie sur laquelle il ne sera jamais possible de payer ses salariés en crypto.
Le code du travail prévoit que le salaire soit payé par virement bancaire, par chèque ou en espèces avec des limites en espèces. Cela signifie que le salaire minimum légal (SMIC) ou conventionnel doit être payé en euro. Si des primes ou des avantages en nature sont prévus dans le contrat de travail, ils peuvent être payés en actif numérique, mais ils ne seront pas considérés comme du salaire au sens strict. Ce seront des avantages en nature, assimilés fiscalement à du salaire.
Ainsi, il est possible d’avoir des éléments de salaire payés en crypto, mais pas l’intégralité. En somme, c’est assez simple, bien qu’il y ait des subtilités à prendre en compte, nous les abordons plus en détail dans l’épisode audio et vidéo.